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AL CAPONE
Le Pouvoir


Peu après avoir pris le contrôle de l'empire de Torrio, un changement se remarqua chez Al Capone. Il était devenu une force majeure dans le monde interloppe de Chicago. Afin de démontrer sa montée, Capone déménagea son quartier général au Métropole Hotel. La suite luxueuse de cinq pièces qu'il occupait coûtait 1 500$ par jour. Il passa d'une relative obscurité à une visibilité cultivée.

Son amitié avec l'éditeur de journaux Harry Read lui fit comprendre qu »il devait dorénavant agir comme le personnage important qu'il était devenu. Read lui suggéra de se montrer au grand jour et d'être aimable. Capone se fit voir à l'opéra, aux réunions sportives et dans les oeuvres charitables. Il était un membre influent de la communauté ; aimable, généreux, ayant réussi, approvisionnant une horde de clients assoiffés. À une époque où la majorité des adultes consommaient de l'alcool de contrebande, le contrebandier avait une aura de respectabilité.

Selon Bergreen, se montrer sous un jour favorable n'était que la première moitié du travail. La deuxième moitié concernait l'influence politique. C'est pour cette raison que presque tous les jours Capone se rendait au complexe qui habritait à la fois l'Hôtel de Ville et les bureaux du comté. Il fit tout en son pouvoir pour se rendre disponible et passer pour un homme sans peur. Il était toujours habillé élégamment, effacé, un homme gravitant dans la sphère politique. Son flair et sa propension à être vu en public n'étaient pas usuel parmi les contrebandiers qui, habituellement, fuyaient la publicité comme la peste.

En décembre 1925, Capone amena son jeune fils à New York afin de le faire opérer pour un problème chronique d'infections aux oreilles. Al était dévoué envers son fils unique et la santé chancelante de ce dernier l'inquiétait grandement. Capone profita de sa visite à New York pour conclure des ententes avec son ancien patron, Frankie Yale. Il s'agissait d'importation de whisky, rare parce qu'importé du Canada. Il était plus facile pour Yale de faire venir du whisky à New York que pour Capone à Chicago, ce qui faisait que Yale avait un surplus à écouler. Ils firent le nécessaire pour approvisionner Chicago, Capone devant se débrouiller pour le transport. Yale invita Al à la fête de Noël se tenant à l'Adonis Social and Athletic Club, nom honorable pour ce qui était en fait un bar clandestin de Brooklyn. Yale appris que la fête allait être interrompue par un gangster rival, Richard «Peg-Leg» Lonergan, accompagné de ses gros bras. Yale voulu annuler la fête mais Capone insista pour que tout se déroule comme prévu.

Capone avait prévu une surprise ; lorsque Lonergan et sa suite se présentèrent vers 3 heures du matin, ils étaient saouls et bruyants. Capone fit un signe et la foire commença. Lonergan et ses acolytes n'eurent même pas le temps de dégainer tant l'attaque les avait surpris.

Le massacre de l'Adonis n'était qu'une pratique sur un ancien terrain de jeu. C'était aussi une manière de démontrer la supériorité des manières de Chicago sur celles de New York. «Chicago est la ville impériale des gangsters tandis que New York fait figure de province lointaine», écrit Alva Johnston dans le New Yorker. À Chicago, la bière a transformé le chef d'une bande de gansters, de tireurs et de gros bras en p-dg d'une entreprise d'envergure nationale et internationale. La vraie bière, tout comme l'eau potable et le téléphone, est un monopole naturel. Johnston continua ensuite en traçant le portrait d'Al Capone comme étant le plus grand chef des gangsters de l'histoire.

De retour à Chicago au début de 1926, Capone était d'excellente humeur. Non seulement avait-il laissé sa marque à New York mais le marché conclu pour le whisky avait changé le monde du transport entre les États. Les jeunes hommes ayant le goût pour l'aventure et un besoin d'argent gagnaient très bien leur vie comme transporteurs pour Al Capone.

Au printemps 1926, la bonne fortune de Capone tourna. Le 27 avril, Billy McSwiggin, l'avocat qui avait tenté de faire condamner Capone en 1924 pour le meurtre de Joe Howard, fut impliqué dans un accident. Il quitta la maison de son père, un détective expérimenté de Chicago, pour aller avec «Red» Duffy jouer aux cartes dans un des établissements de Capone. Un contrebandier du nom de Jim Doherty les à bord de sa voiture.

Klondike O'Donnell

La voiture de Doherty tomba en panne et ils montèrent à bord de la voiture d'un autre contrebandier, «Klondike» O'Donnell, ennemi juré de Capone. Les quatre irlandais décidèrent d'aller boire à Cicero en compagnie du frère de Klondike, Myles O'Donnell. Ils se retrouvèrent dans un bar à proximité du Hawthorne Inn où Capone était en train de souper. Le passage d'O'Donnell à Cicero était en une insulte territoriale.

Capone et ses hommes, ignorant la présence de McSwiggin, attendirent à l'extérieur dans leurs voitures que les quatre hommes sortent du bar. Lorsque le moment arriva, ils sortirent leurs mitraillettes ; McSwiggin et Doherty furent mortellement atteint.

Le blâme se porta sur Capone. Malgré le fait que McSwiggin se soit trouvé en compagnie de contrebandiers, la sympathie se tourna vers lui. Il y eu un mouvement contre la violence des gangsters et le sentiment public se tourna contre Capone.

Bien que tous à Chicago savaient qu'Al Capone était responsable, aucune preuve ne put être trouvée et l'échec de l'enquête visant à porter des accusations fut une tache pour les officiels de la ville. La police se vengea sur les maisons closes et les bars clandestins de Capone, qui furent l'objet de descentes et d'incendies.

Capone disparu de la circulation pendant les trois mois d'été. Supposément, plus de 300 détectives le recherchèrent dans tout le pays, au Canada et même en Italie. En fait, Capone trouva refuge en premier chez un ami à Chicago Heights puis, pour la plupart du temps, chez des amis à Lansing, au Michigan.

Les trois mois passés caché marquèrent à jamais Al. Il commença à se percevoir comme plus qu'un contrebandier ayant réussi, mais comme une source de fierté pour la communauté italienne, un bienfaiteur généreux ainsi qu'un important réparateur pouvant aider les autres. Ses opérations de contrebande employaient des miliers de personnes, plusieurs étant de pauvres immigrants italiens. Sa générosité faisait figure de légende à Lansing. Bien que la plupart de ses idées étaient le fruit de son égo grandissant, Capone était un gestionnaire doué et avait la capacité d'utiliser ses pouvoirs afin d'en faire bénéficier la communauté. Il pensait sérieusement à se retirer de la vie criminelle et violente.

Ne pouvant se cacher éternellement, il planifia une rentrée calculée mais risquée. Il négocia sa reddition avec la police de Chicago. C'était le premier pas vers la nouvelle vie à laquelle il se destinait : suite à l'abandon des accusations de meurtre déposées contre lui, il utiliserait sa vaste fortune pour financer des entreprises légitimes et devenir ainsi le héros de la communauté italienne.

Le 28 juillet 1926, Capone se rendit aux autorités afin de répondre du meurtre de McSwiggin. Ce fut une bonne décision puisque la police n'avait pas assez de preuves pour le citer à procès. Après tout le tapage fait autour de l'affaire par la population et les efforts des autorités policières, Al Capone était un homme libre. Les policiers, quant à eux, faisaient figure d'incapables.

Capone, en accord avec son nouveau rôle de pacificateur, fit une dernière tentative afin de conclure une alliance avec Hymie Weiss malgré une tentative de meurtre récente. Il lui proposa un marché très lucratif en échange de la paix, que Weiss s'empressa de refuser. Le lendemain, Hymie était abattu à l'âge vénérable de 28 ans.

La population de Chicago en avait assez de lire sur de la violence des gangs et les journaux alimentaient leur hargne. Capone tint une «conférence de la paix» au cours de laquelle il demanda aux autres contrebandiers de mettre un frein à cette violence. «Il y a assez d'occasions d'affaires pour nous tous sans que nous soyons obligés de s'entretuer comme de vulgaires animaux. Je ne veux pas finir dans la rue troué par les balles d'une mitraillette.» Capone avait convaincu l'assemblée. À la fin de la réunion, une amnistie avait été négociée. Deux points majeurs étaient à souligner : premièrement, il n'y aurait plus de meurtres ni de raclées et deuxièmement, les meurtres passés ne seraient pas l'objet de vengeance. Personne relié à la contrebande ne fut tué pendant plus de deux mois après la conférence.

En janvier 1927, le cadavre d'un des meilleurs amis de Capone nommé Theodore Anton ou «Tony the Greek» fut découvert. Capone était inconsolable et commença à penser de plus en plus sérieusement à la retraite. Il invita un groupe de journalistes chez lui pour un souper spaghettis afin de leur annoncer sa décision. Était-il sérieux ou jouait-il la comédie ? Il était probablement sérieux sur le fait de prendre sa retraite avant de se retrouver avec une balle dans la tête mais sa soif de pouvoir et d'aventures repoussait la date réelle de sa retraite.

«Big Bill» Thompson
(Chicago Sun times)

Avec l'échec des réformes du maire Dever, la montée de Chicago au rang de cité impériale du crime fut la principale plate-forme électorale des élections de 1927. «Big Bill» Thompson, aidé par les énormes moyens financiers du crime organisé, reprit le pouvoir. Il apparaissait que les criminels auraient la ville en leur possession à tout jamais.

Toutefois, quelques nuages se profilaient à l'horizon et allaient produire un impact majeur sur la ville de Chicago, sur la contrebande et sur Capone. En mai 1927, la Cour Suprême ordonna à Manny Sullivan, contrebandier de son état, de produire une déclaration de revenus provenant de la contrebande et de payer ses taxes. Le fait qu'une telle déclaration amenait la personne à s'auto-incriminer n'était nullement inconstitutionel. Grâce à la décision Sullivan, l'unité spéciale du fisc dirigée par Elmer Irey pouvait s'attaquer à Al Capone.

N'ayant pas pris connaissance par manque d'intérêt de Manny Sullivan ou Elmer Irey, Capone devint de plus en plus extroverti et expansif. Il se lança à fond dans ses deux passions : la musique et la boxe. Il se lia d'amitié avec Jack Dempsey mais leur relation resta discrète afin d'éviter les soupçons de combats arrangés. Ayant toujours aimé l'opéra, Capone s'intéressa de plus près au jazz. Avec l'ouverture du Cotton Club à Cicero, Al devint producteur de jazz, attirant et produisant les meilleurs musiciens noirs de jazz de l'époque. Al ne semblait pas, comme les autres gangsters italiens, avoir des idées raciste et gagna le respect et la confiance de la plupart de ses musiciens. Capone démontrait sa générosité et se souciait de tous ceux qui travaillaient pour lui, peu importe la couleur de leur peau.

Bergreen décrit la façon avec laquelle Al s'imisçait dans la vie de ses proches : il ne les dominait pas en criant, en les écrasant ou en les intimidant, quoique la menace de la violence physique soit toujours présente, mais en allant chercher à l'intérieur de quelqu'un, s'intéressant à ses désirs et à ses inspirations. En les valorisant, il obtenait en retour la loyauté, essentielle pour Capone. La loyauté représentait sa seule assurance de rester en vie. Le meilleur compliment que les autres pouvaient lui faire était de se déclarer ami puisque cela signifiait qu'ils ne se préoccuppaient pas de sa réputation scandaleuse, ou de ses activités comme proxénète et meurtrier.

«Rendre un service public est mon but.» Telle est ce que Capone affirma aux journalistes à l'approche de Noël. «Près de 90% des habitants de Chicago boivent et jouent. J'essaie de leur servir de l'alcool de bonne qualité et des jeux équitables. Cependant, je ne suis pas apprécié puisque je suis perçu à travers le monde comme un gorille millionnaire.» L'exposition devenait une nuisance. Lorsqu'il fit un voyage en Californie, la police le suivit pas à pas. Un des meilleurs détective de Los Angeles déclara qu'il n'y avait pas de place pour Capone ou pour tout autre gangster, que ce soit pour un voyage d'agrément ou non.

Lorsque Capone revint à Chicago, il se retrouva cerné par six policiers de Joliet, prêts à tirer. Les policiers s'étaient donné le mot afin de lui rendre la vie aussi dure que possible. Ils cernaient sa maison et l'arrêtaient à la moindre provocation.

Le domaine de Palm Island
(Chicago Tribune)

Capone alla à Miami, où la température était plus clémente, mais la communauté locale lui fit une réception glaciale. Accompagné de sa femme et de son fils, il loua une immense maison pour l'hiver et se mit en quête d'une résidence permanente. Avec l'aide d'un intermédiaire, Capone acheta une maison de style espagnol de 14 pièces sise au 93 Palm Island, maison qui avait été bâtie par le brasseur Clarence Bush. Durant les mois qui suivirent, il y investi une petite fortune en décoration, transformant la maison en forteresse avec des murs en béton et de lourdes portes en bois.

Le domaine sur Palm Island vint à l'attention d'Elmer Irey, de la brigade spéciale du fisc. Ce dernier confia à Frank J. Wilson la tâche de documenter les revenus et les dépenses d'Al Capone. C'était un travail colossal : malgré les dépenses folles, tout était transigé à l'aide d'intervenants et en argent comptant. La seule exception consistait en la maison de Palm Island dont la seule possession démontrait une source de revenus majeure.

En même temps, George Emmerson Q. Johnson fut nommé procureur général de Chicago. Johnson s'attaqua passionnément à Capone. À l'aube des élections primaires d'avril 1928, la violence devint hors de contrôle. Johnson lui-même fut l'objet de menaces à la bombe. Il n'est pas clair qui orchestrait le tout mais cette fois, ce n'était pas les gangsters qui étaient les victimes mais le sénateur Charles Deneen, un juge et réformateur. Le maire Bill Thompson, extrèmement corrompu, était présumé responsable puisque les victimes étaient ses adversaires, mais le bouc-émissaire fut Capone, alors en Floride.

Frank J. Wilson
(Société historique de Chicago)

Pendant que Mae Capone s'occupait à redécorer leur demeure, Al occupa le printemps 1928 à s'établir en temps que citoyen légitime de Miami. Malgré l'apparence extérieure de respectabilité, Al planifiait la résolution des problèmes pressants causés par son ancien patron, Frankie Yale. L'entente concernant l'envoi d'alcool était trop souvent détournée et Capone soupçonnait Yale d'en être responsable.

Al fit venir en Floride six de ses patenaires de Chicago afin de décider de la marche à suivre concernant Yale.

«Vers le milieu de l'après-midi du dimanche 1er juillet, Frank Yale, ses cheveux noirs et sa peau foncée tous deux rehaussés par un chapeau Panama et un complet d'été de couleur gris clair, buvait dans un bar clandestin de Borough Park lorsqu'il fut demandé au téléphone. Il raccrocha prestement et rejoignit rapidement sa voiture stationnée tout près. Quelques minutes plus tard, sur la 44ième rue, une berline noire lui barra la route à l'intérieur d'une courbe. Une pluie de balles provenant de plusieurs armes, soit des révolvers, fusils tronçonnés et mitraillettes, le clouèrent sur son siège. C'était la première fois que la mitraillette «Tommy», nommée ainsi en l'honneur de son concepteur, était utilisée afin d'abattre un gangster new-yorkais.»

Durant l'été 1928, Capone installa ses quartiers au Lexington Hotel, autrefois réputé. Il y occupait deux étages où il vivait à la manière d'un potentat dans sa suite de six pièces munie d'une cuisine spéciale pour ses repas préparés. Des portes secrètes furent installées afin que Capone puisse s'enfuir sans être découvert si le besoin s'en faisait sentir.

Il était clair pour Capone que la Prohibition n'allait pas durer éternellement. C'est pourquoi il se diversifia dans les escroqueries. Un journal économique de Chicago expliqua que l'escroc pouvait être le patron d'une association d'affaire suposément légale. Qu'il soit un criminel qui se soit imposé comme chef d'une quelconque union ou qu'il soit un organisateur, les méthodes utilisées sont les mêmes. En lançant des briques dans quelques fenêtres ou en commettant un meurtre, il rassemble un groupe d'hommes d'affaire pour former une association de protection. Il procède alors à la collecte de frais, d'amendes et fixe les prix et les heures d'ouverture. Tout commerçant qui ne respecte pas l'entente ou qui cesse de payer son tribut est alors victime d'attaques à la bombe, se fait tabasser ou intimider.

Comme lors de ses activités de contrebande, Capone se heurta au même ennemi : Bugs Moran. Moran avait tenté par deux fois d'assassiner l'ami et partenaire de Capone, Jack McGurn. Lorsque Capone partit pour l'hiver à Miami, Jack lui rendit visite afin de discuter des problèmes récurrents amenés par Bugs Moran et sa bande des North Siders.


  CHAPTERS
1. "Made In America"

2. Enfance

3. L'Apprenti

4. Scarface

5. Chicago

6. Capone Prend la Tête

7. Le Pouvoir

8. Le Massacre de la St-Valentin

9. Ennemi Public #1

10. "Two Gun" Hart

11. Conclusion

12. Bibliographie

13. À Propos de l’Auteur
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truTV Shows
The Investigators
Forensic Files
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